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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 20:48


Tels qu’ils ont été présentés en juin 2003 par le CISR, les contrôles radars automatisés sont un moyen de contrôle où « l’intervention humaine sera réduite à sa plus simple expression »1 et visent à bannir les passe-droits en permettant une surveillance permanente de certaines portions de routes. Par la même occasion, les forces de l’ordre voient un renforcement de leur équipement pour mieux lutter contre les infractions, avec un arsenal se composant d’hélicoptères, de véhicules banalisés avec radars mobiles et d’éthylotests électroniques. Ce phénomène de rationalisation des méthodes de contrôle vise ainsi à accroître leurs performances en saisissant plus d’infractions. De plus, la France innove en se lançant dans un mode de traitement recourant au « tout numérique » et entend faire montre de transparence. Ce serait donc là un autre versant dans le développement des fameuses nouvelles technologies, mais ici dans leur froide rationalité et non plus dans leurs applications ludiques.



Si l’on analyse le mode de fonctionnement des radars automatiques, on découvre qu’ils prennent en charge une « action machinique »2 exercée habituellement par les forces de l’ordre. En effet, les radars automatiques, dotés d’un appareillage ad hoc (cinémomètre, appareil photo), mesurent la vitesse d’un véhicule en mouvement au regard d’une limitation de référence sur une zone donnée. C’est une tâche facilement « réductible à des coordonnées comportementales » que l’on délègue à une machine qui effectue la tâche à partir des programmes informatiques qui ont été implémentés3. Le radar automatique est un robot dénué de sentiment et de fatigue qui traque tout écart à la loi! Et c’est ce procédé qui a été retenu et qui semble satisfaire les gouvernants depuis 2003, preuve à l’appui avec les statistiques de l’accidentologie.



Toutefois, ce serait une erreur que de croire que les contrôles automatiques peuvent remplacer les contrôles des forces de l’ordre. Réduire le rôle des forces de l’ordre à la simple saisie d’une vitesse serait négliger leur fonction sociale dans l’espace routier. J.G. Padioleau considère que « le recours à un système de sanction automatisé est un aveu d’échec pour la société : on confie à la machine une mission que le facteur humain, insuffisamment dissuasif, ne peut assumer »4. Ce n’est pas tant que les forces de l’ordre soient peu dissuasives mais plutôt que les radars automatiques ont un avantage quantitatif par rapport au travail effectué par les forces de l’ordre : le nombre d’infractions qu’il est possible de relever compte tenu d’un fonctionnement 24h/24 et 7j/7. Pour l’avantage qualitatif, les radars font moins bien5.



Les radars automatiques pourraient donc être vus comme des gendarmes robotisés devant lesquels les automobilistes doivent se soumettre et se soumettent automatiquement, ce qui fait dire à J.G. Padioleau que « l’Etat sarkozyste veut produire des zombies sujets d’ancien régime »6. Cette soumission à la domination de l'État passe par une obéissance des sujets « commandés par la peur ou l'espoir »7. Cette domination ne s'exerce pas sous la forme d'une violence physique légitime mais sous la forme d'une violence symbolique légitime qui frappe le permis de conduire et le portefeuille. L'automatisation du contrôle et l’étroitesse de la réponse à fournir : conforme ou non-conforme à la prescription du Code de la Route, et pas de second essai. Ce système de contrôle tel qu’il est mis en œuvre est autoritariste, il fait en sorte que « les dominés vivent l’épreuve de n’avoir plus ou pas le choix. La domination les consigne dans des formats, dans des programmes qui les automatisent »8. Les radars sont alors des « nouvelles technologies politiques de contrôle social ». La perspective dans laquelle est mise en œuvre le « radarisme » nous fait quitter l’action en valeur wébérienne d’acteurs qui souscrivent volontairement pour nous rapprocher plutôt de l’acteur parsonnien qui obéit mécaniquement aux impératifs du contrôle social.



Alors les radars automatiques peuvent-ils remplacer les forces de l’ordre ? De la bouche même de J.M. Bailet, gendarme de son état et aussi chercheur en psychologie : « ce n'est pas l'accident qui change le comportement mais le contact avec les forces de l'ordre »9. Aussi, dans le même ordre d’idée, on peut dire que le contrôle sanction automatisé prive l’infractionniste de la confrontation avec le gendarme ou le policier dont les contrôles ont une composante pédagogique dans le face à face suite à la constatation de l’infraction (se faire contrôler, voir le PV de l’infraction être rempli, etc.). Cette interaction est de plus en plus remplacée par la froideur du Système technicien et de l’Etat10 et l'impression de payer ce qui ressemble à une taxe supplémentaire donnant un fort sentiment d’arbitraire.



Toutefois le contact avec les forces de l’ordre n’a pas totalement disparu. Dans le registre de la prévention et de la pédagogie, il reste encore les salons de l’automobile, où les visiteurs (conducteurs) ont la possibilité de discuter, et ce dans une ambiance très décontractée, avec les gendarmes et les policiers sur des sujets comme les contrôles radars ou la vitesse tout en s’exerçant au simulateur de conduite ou en découvrant leurs outils de lutte contre l’insécurité routière.


Cependant, ce sont bien peu de choses qui ne semblent pas être en mesure de pouvoir inverser la tendance à l’automatisation systématique des contrôles dans l’objectif de rationalisation des contrôles routiers. Ainsi pour l’année 2012 est annoncé le déploiement de radars automatiques embarqués dans des véhicules circulant dans les flux de véhicules, faisant que « le conducteur flashé ne se rendra compte de rien » 11 et recevra son amende quelques jours après.



De la même façon que pour les radars automatiques, les promoteurs de l’innovation (l’Etat) font mention que « comme cette future machine travaillera absolument toute seule, les forces de l’ordre pourront être affectées à d’autres tâches que celles de sécurité routière […] comme patrouiller pour surveiller les habitations »12. En 2012, sur les routes, les radars pédagogiques s’occuperont de prévention et les radars automatiques des verbalisations.

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commentaires

A
bonjour,<br /> La problématique n'est-elle pas inversée? Le radar n'est qu'un instrument de mesure qui a un instant "T" donne une indication de vitesse pour un véhicule donné. N'est ce pas une manière de<br /> déshumaniser sa propre infraction en rejettant la faute sur cette diabolique "machine". Le problème n'a jamais été le radar, le problème est mon incapacité à respecter la limitation de vitesse.<br /> Analysons les causes avant d'interpréter les conséquences.Pourquoi je n'arrive pas à respecter les limitations de vitesse? C'est l'unique question; les réponses sont multiples et ne restent pas<br /> dans le champ unique "de braver l'interdit". La clé est là et par la même occasion la réponse pédagogique également.
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